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Octobre 2021

De nouvelles formes de travail en agriculture

Le travail en agriculture est réalisé pour sa plus grande part par les non-salariés agricoles et des salariés, mais d’autres formes de mobilisation du travail montent en puissance depuis une dizaine d’années, rapporte le CGAAER, dans une étude récente.

Entre 2010 à 2019, la force de travail des formes classiques d'emploi en agriculture (NSA, SA) a enregistré une baisse, passant de 447 000 à 380 000 ETP (équivalent temps plein). Sur la même période, de nouvelles formes de mobilisation du travail ont connu une hausse passant de 70 000 à 105 000 ETP. Le rapport du CGAAER a recensé huit nouveaux modes de mobilisation de main d’œuvre agricole : les entreprises de travaux agricoles (ETA), les groupements d’employeurs (GE), l’intérim national, le travail détaché, l’insertion par l’activité économique (IAE), voire l’auto-entrepreneuriat, les plateformes numériques et diverses formes de bénévolat.

Les ETA et les GE représentent ensemble les deux tiers du volume et de la croissance de ces nouvelles formes de travail. A côté, le recours à l’intérim demeure encore limité. Près de 500 agences de travail temporaire (sur les 10 000 qui existent) ont une activité dans le secteur agricole pour un total de 12 000 missions en 2019 correspondant à 2 961 ETP. Leur présence sur le territoire est hétérogène et liée à l’investissement spécifique d’une agence sur le secteur. Les grandes cultures, l’élevage, le maraîchage et la viticulture sont les activités les plus concernées (80% pour l’ensemble). Quant au travail détaché, il est une forme essentiellement saisonnière du travail, relativement faible en ETP, même s’il connait depuis 10 ans un développement rapide et continu (1). Enfin, le secteur agricole compte 20 000 personnes en insertion en 2019 correspondant à 10 000 ETP, soit près du double par rapport à 2010. Si on y ajoute le secteur paysager et espaces verts, ce sont plus de 70 000 personnes supplémentaires qui sont employées dans l’année par des structures d’insertion.

Cette évolution aura-t-elle des incidences à la fois sur les enjeux sociaux, économiques, agro-écologiques et de souveraineté alimentaire ?

Avec l’accélération du vieillissement de la population des non salariés agricoles dans les dix prochaines années, se pose la question de leur substitution, totale ou partielle, par des salariés directs d’exploitations ou des tiers employeurs et prestataires. « L’évolution qui se dessine est très largement en faveur de ces derniers qui offrent dans l’ensemble des conditions de travail équivalentes ou supérieures à celles de l’emploi direct, à l’exception notable du détachement », prévoit le rapport. Le recours au tiers employeur permet également de pallier le manque de compétences ou de goût des exploitants pour le management et la gestion des ressources humaines. Une délégation intégrale conduira, par voie de conséquence, à s’interroger sur la définition même du métier d’exploitant agricole.

Les rapporteurs se sont également demandés si la capacité de ces nouvelles formes de travail  accompagnera et amplifiera les transformations en cours : transition agro-écologie, orientations de la nouvelle PAC. Pour les auteurs, le développement des ETA peut y contribuer par la maitrise des intrants et le développement d’une agriculture de précision, dès lors que les systèmes agronomiques demeurent maîtrisés par l’exploitant.  De même, l’IAE pourrait en faciliter l’extension ; cette force de travail étant acculturée à l’agriculture biologique, aux circuits courts, voire à des projets alimentaires territoriaux.  En revanche, les effets de l’intérim national sur les transitions en cours apparaissent neutres ; la force de travail est à la fois ponctuelle et totalement sous la direction de l’exploitant. A l’inverse, le travail détaché apporterait une réponse négative. « La brièveté des missions, le souci de productivité par la standardisation du travail et l’origine lointaine de la force de travail mobilisée laissent penser qu’il met en œuvre des actions stéréotypées et qu’il ne peut être source de remise en question des pratiques de l’exploitant ».

Enfin, selon les auteurs du rapport, la garantie de notre souveraineté alimentaire suppose « qu’un ensemble de leviers soient actionnés, parmi lesquels l’accès à de la main d’œuvre en nombre, expérimentée, qualifiée et aisément mobilisable ». Ce facteur essentiel de production doit être mieux maîtrisé : amélioration des conditions de travail, adaptation des formations, amélioration des processus de recrutement, organisation et coordination des différents acteurs. Parmi les recommandations, les auteurs insistent sur  la nécessité de mettre en place des organisations mixtes à l’échelle du département ou du bassin d’emploi, qui mettent en œuvre une complémentarité des formes d’emploi pour construire des parcours professionnels y compris avec un volet formation des saisonniers. Néanmoins, la mobilisation du marché de l’emploi national ne sera pas suffisante, d’où l’importance du recours à la main d’œuvre étrangère, communautaire ou non.

Une seconde mission relative à l’impact de ces nouvelles formes de travail sur l’organisation et la compétitivité des filières est attendue.

(1) Sur un plan quantitatif, l’agriculture est le troisième secteur d’activité, après l’industrie et le BTP (chiffres 2017) : 13 % des travailleurs détachés en France le sont dans le secteur agricole.

(2) L’insertion par l’activité économique (IAE) permet à des personnes éloignées de l’emploi de revenir sur le marché du travail tout en bénéficiant d’un accompagnement pour consolider leur projet d’insertion.

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