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Mai 2023

Le Sénat s’oppose clairement à la viande de culture

Prometteuse sur le papier, cette innovation ne sera en aucun cas indispensable dans la transition alimentaire, et ne serait pas sans impact sur l'élevage, conclut la mission d’information du Sénat dans un rapport récemment publié.

C’est un non catégorique au développement des aliments cellulaires envoyé par le Sénat. Les raisons invoquées sont à la fois anthropologiques, éthiques, culturelles et, en somme, politique.

Depuis une vingtaine d’années, les chercheurs essaient de produire, en laboratoire, des cultures de cellules animales pour la consommation alimentaire. Ce projet de « viande culture » ou « viande in vitro » est présenté comme une innovation disruptive. Le procédé est inspiré de l’ingénierie tissulaire et des techniques médicales de régénération des organes. Il consiste à prélever des cellules souches sur un animal, à les faire proliférer dans un milieu nutritif composé de protéines, d’acides aminés, d’hormones et autres facteurs de croissance. En 2013, le premier steak haché de bœuf cellulaire était présenté à Londres. Sept ans plus tard, la société américaine Eat Just recevait l’agrément des autorités de Singapour pour commercialiser une pâte de cellules de poulet, tandis que l’entreprise israélienne Aleph Farms annonçait, en février 2021, avoir réussi à reproduire du faux-filet grâce à un procédé d’impression 3-D de cellules (bioprinting). Récemment les autorités sanitaires américaines ont donné une pré-autorisation de mise sur le marché du poulet cellulaire de l’entreprise Upside Foods, Au même moment, Gourmey levait 48 M€ pour produire du « foie gras » cellulaire. Selon ces entrepreneurs, les projets de « viande in vitro » permettraient de résoudre tout un ensemble de problèmes liés aux modes d’élevage intensifs et à la consommation de produits carnés : émissions de gaz à effet de serre, bien-être animal, risques sanitaires et propagation des zoonoses…Cette vision purement utilitaire de l'alimentation qui sous-tend ce développement est à l'opposé de celle exprimée par les Sénateurs, qui voient d'abord dans l’alimentation un fait culturel et social.

Des produits encore à l’étape de prototype, mais…

Aujourd’hui, les 110 start-up de la food tech demeurent confrontés à trois grands défis, souligne le rapport : le passage à une échelle industrielle nécessite des levées de fonds importantes et des autorisations de mise sur le marché. C’est la Commission européenne qui est compétente au sein de l’UE pour autoriser tout « nouvel aliment » après avis de l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). S’ajoute l’acceptabilité des consommateurs, qui dépendra du goût, du prix et de la capacité du produit à s'insérer dans le patrimoine culinaire, les flexitariens (¼ de la population française) étant, plus nombreux que les végétariens ou les vegans.

Aucune demande n'ayant été effectuée au sein de l'UE à ce jour, le produit ne sera pas dans nos assiettes avant au moins 2025, soulignent les Sénateurs. Une note du ministère de l’Agriculture en date de mai 2021, prédisait une production de masse d’ici cinq à dix ans, sur le créneau de la viande hachée.
Mais ce qui inquiètent les auteurs, c’est « le manque d’anticipation » et « de coordination » des pouvoirs publics et des filières en France. « La ferme opposition des ministres chargés de l’agriculture d’un côté et, de l’autre, le soutien de Bpifrance à cette innovation à hauteur de 15 M, illustrent les hésitations des pouvoirs publics et font craindre en France un stop-and-go contre-productif ». Et puis, cette technologie étant propice au monopole naturel, des craintes s'expriment qu'en la refusant, la France ne tombe dans la dépendance technologique de grands groupes étrangers.

A l’issue de ses travaux, la commission Sénatoriale a donc formulé dix-huit recommandations regroupées en trois axes. Il s’agit d’abord de renforcer la procédure d'autorisation des nouveaux aliments et les règles applicables aux aliments cellulaires. Puis de mieux informer le consommateur et protéger les filières de production animale, en s'accordant sur des règles de dénomination et d'étiquetage claires. Et enfin, d’intensifier la recherche sur les aliments cellulaires, mais miser en priorité sur l'élevage et les protéines végétales pour relever le défi de l'autonomie protéique.

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