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Janvier 2024

Les réponses de l’Etat face à la colère des agriculteurs

Abandon de la hausse sur le gazole non routier (GNR), aides d’urgence, « mois de la simplification »... : le Premier ministre a présenté, vendredi 26 janvier 2024, une série de mesures pour aider le monde agricole.

Les tracteurs envahissent les axes routiers et les villes. Depuis plusieurs jours, les agriculteurs crient leur désarroi et laissent éclater leur colère. La crise que traverse le monde agricole est à la fois morale et économique et le Gouvernement, mis sous pression, est attendu au rendez-vous. Un premier train de « réponses d’urgence » a été apporté, lors d’une visite du Premier ministre Gabriel Attal, vendredi 26 janvier à Montastruc-de-Salies (Occitanie) dans une exploitation agricole bovine.

« Redonner rapidement de l’air aux exploitants »

Parmi les revendications exprimées, l’abandon de la hausse de la fiscalité sur le GNR. La dernière loi de finances a en effet prévu une augmentation de l’accise sur les énergies (ex TICPE) sur le GNR agricole avec une accélération de la fraction de TICPE non remboursable de 2,85 €/hectolitre chaque année jusqu’en 2030. Les agriculteurs ont été entendus, la hausse de la fiscalité du GNR agricole sera complètement supprimée et 50 % du remboursement TICPE arrivera en février au lieu de juin : « cela permettra d’alléger la trésorerie des agriculteurs de 230 M€ dès février ». A partir du 1er juillet, la remise partielle de l’accise sur les produits énergétiques sera appliquée directement sur la facture.

Le Premier ministre a également insisté sur le versement rapide des indemnisations annoncées suite aux tempêtes et inondations qui ont frappées une partie du territoire ces dernières semaines. Concernant la maladie hémorragique épizootique (MHE) dans les élevages, le guichet pour la prise en charge des frais vétérinaires sera ouvert le 5 février et le taux de prise en charge a été réévalué à 90% (vs 80%). Un fonds d’urgence de 50 M€ a été débloqué et mis à disposition des Préfets pour les exploitations qui ont déjà avancé de nombreux frais et dont la situation est difficile. Un plan pour la viticulture en Occitanie sera présenté début février par le ministre de l’Agriculture avec des mesures d’urgence et des mesures structurelles et une aide d’urgence de 50 M€ sera injectée dans la filière bio.

Par ailleurs, l’exécutif a promis d’accélérer le paiement des aides de la PAC. L’objectif étant que d’ici le 15 mars, toutes les aides PAC soient versées sur les comptes bancaires des exploitants.

 « Premières mesures immédiates de simplification »

Surtransposition des normes, multiplication des contrôles et des tâches administratives… Pour répondre à cette revendication, le Premier ministre a lancé le « mois de la simplification ». En s’appuyant sur l’ensemble des attentes exprimées, en lien avec les contributions issues de la concertation sur le Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, ce constat permettra, mi-février, « d’identifier tous les leviers nécessaires au réarmement agricole de la France et de prendre des mesures fortes pour assurer notre souveraineté alimentaire ».

Il a également présenté plusieurs mesures de simplification pour lesquelles une mise en œuvre immédiate a été décidée.

Pour ce qui concerne la police de l’environnement :

  • En construisant un cadre de confiance entre le monde agricole et la police de l’environnement, en assurant un meilleur dialogue, une proportionnalité des peines et leur adaptation en intégrant la bonne foi.
  • En instaurant un « contrôle unique » pour qu’il n’y ait pas plus d’un passage annuel sur une exploitation dans le cadre des contrôles administratifs.
  • Mettre fin au régime d’exception sur les délais de recours en les alignant sur le droit commun, faisant passer ces délais de 4 à 2 mois, notamment pour les procédures ICP et en matière d’autorisation sur les prélèvements en eau pour les projets agricoles.
  • Les personnels de l’Office français de la biodiversité (OFB) dans les départements interviendront sous la tutelle des Préfets. Un travail entre l’OFB, les ministères et les Préfets va être organisé pour aboutir avant le Salon de l’agriculture sur les conditions d’évolution des modalités d’intervention des agents de l’OFB dans les exploitations.
  • Mettre fin aux incohérences et injonctions contradictoires, par exemple concernant le débroussaillement en mettant en cohérence les mesures visant à la protection des biens et des personnes et les mesures de protection de la biodiversité.
  • En lieu et place des multiples règlements sur la haie, un seul cadre règlementaire sera mis en place.
  • La simplification du cadre applicable au curage des cours d’eau agricole sera réalisée par voie réglementaire. Les délais seront ramenés de 9 à 2 mois.

Pour ce qui concerne l’eau

Les délais des contentieux relatifs à la gestion de l’eau seront réduits :

  • par la suppression d’un niveau de juridiction ;
  • par l’application de la « présomption d’urgence » pour purger le contentieux en moins de 10 mois.

S’agissant de la mise en œuvre des textes européens sur les zones humides et les tourbières, il n’y aura pas de surtransposition et le Gouvernement prendra le temps de la concertation.

« Certaines de ces mesures pourront être décidées dans le cadre de la présentation prochaine du projet de loi en faveur du renouvellement des générations », a précisé le locataire de Matignon.

« Protéger les revenus des agriculteurs »

Le Chef du Gouvernement est revenu sur les lois Egalim 1 et Egalim 2, qui « offrent un cadre permettant de protéger le prix des produits agricoles, et donc le revenu des agriculteurs », rappelant qu’elles doivent être strictement appliquées, que ce soit sur la contractualisation comme sur la non-négociabilité du prix des matières premières. Il a annoncé le doublement des contrôles et « des sanctions très lourdes » dans les prochains jours contre trois entreprises.

« Les dossiers européens »

Les accords de libre-échange conclus par l’UE, « ne doivent pas se faire sans intégrer la réciprocité des normes et la mise en place des clauses miroirs ». La France par la voix de Gabriel Attal a réaffirmé son opposition à la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur. Est-ce une opposition définitive ou bien du texte en l’état ? Jusqu’à présent, la France n’avait pas complètement fermé la porte. Conclu en juin 2019, ce projet d’accord n’a jamais été ratifié devant l’opposition de nombreux Etats membres.

Enfin, à l’occasion du Conseil européen du 1er février, la France  portera également la demande de dérogation sur la conditionnalité de la PAC imposant sur les terres arables 4 % d’infrastructure agroécologique (ex. des haies) et de jachères. L’Hexagone, suivi par une dizaine d’Etats membres, n’est pas à son premier coup d’essai réclamant depuis des mois plus de souplesse. Jusqu’à présent la Commission européenne s’était toujours montrée sceptique mais une lueur d’espoir est née via un communiqué du porte-parole de l’institution, Eric Mamer, en date du mardi 30 janvier, annonçant que la Commission de l’UE envisageait d’adopter une nouvelle dérogation. Il faut dire que depuis plusieurs jours, la colère des agriculteurs s’intensifie dans toute l’Europe, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Allemagne, Roumanie et Belgique, partout les manifestants tempêtent.

Des mesures qui n’ont pas convaincu, alors l’exécutif poursuit ses consultations à Matignon avec les syndicats et à Bruxelles, promettant d’être au rendez-vous. « Notre agriculture est notre force, et notre fierté aussi. Alors je le dis ici solennellement : il doit y avoir une exception agricole française », a défendu Gabriel Attal lors de son discours de politique générale devant les députés, mardi 30 janvier 2024.

Image par Insa Osterhagen de Pixabay

 

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