
Action du vendeur en révision judiciaire du prix proposé par la SAFER
Lorsque la SAFER déclare vouloir faire usage de son droit de préemption et qu’elle estime que le prix et les conditions d’aliénation sont exagérés, elle adresse au notaire du vendeur une offre d’achat établie à ses propres conditions.
Si le vendeur n’accepte pas l’offre, il peut :
- soit retirer le bien de la vente,
- soit demander la révision du prix proposé par la SAFER au tribunal compétent.
Le vendeur dispose alors d’un délai de 6 mois à compter de la notification de cette offre pour faire connaître sa décision, laquelle doit être portée à la connaissance de la SAFER par le notaire chargé d’instrumenter.
Si passé ce délai, le vendeur n’a ni fait savoir qu’il l’acceptait, ni retiré le bien de la vente, ni saisi le tribunal, il est réputé avoir accepté l’offre de la SAFER qui acquiert le bien au prix qu’elle avait proposé.
En cas d’action devant le tribunal en vue de fixer judiciairement le prix de vente, lorsque le tribunal, a fixé le prix, l’une ou l’autre des parties a la faculté de renoncer à l’opération.
Ce principe est posé par l’article L. 143-10 du CRPM.
Les faits de la présente décision sont les suivants : la SAFER reçoit la notification d’un projet de cession de biens agricoles au prix de 490 000 euros. Elle adresse au notaire chargé d’instrumenter sa décision de préemption, assortie d’une offre d’achat au prix de 307 000 euros.
Les vendeurs assignent la SAFER en annulation de la décision de préemption et, à titre subsidiaire, en révision judiciaire du prix offert par cette dernière.
Toutefois, avant que le tribunal n’ait pu se prononcer sur la révision judiciaire du prix, les vendeurs se désistent de l’instance.
La SAFER assigne alors les vendeurs en constatation de la perfection de la vente à son profit aux prix et conditions de sa décision de préemption.
Pour la Cour d’appel, la vente est parfaite dès lors que la SAFER avait préempté de manière régulière. Les vendeurs ne pouvaient renoncer à leur projet de vente qu’après fixation judiciaire du prix. Il leur appartenait donc de poursuivre la procédure en fixation judiciaire du prix de vente afin de pouvoir contester par la suite le prix proposé par la SAFER.
De plus, la Cour d’appel relève que le retrait de la vente du bien préempté n’a pas été réalisé dans les formes prescrites puisqu’il n’a pas été porté à la connaissance de la SAFER par l’intermédiaire du notaire chargé d’instrumenter.
Ainsi, la question était de savoir si le vendeur qui a saisi la juridiction en fixation judiciaire du prix de vente pouvait valablement retirer les biens de la vente avant que le tribunal ne se soit prononcé et si tel était le cas, dans quelles formes pouvait-il procéder à ce retrait ?
La Cour de cassation casse et annule la décision des juges d’appel.
Elle relève que lorsque le vendeur a saisi le tribunal en révision judiciaire du prix dans le délai de six mois prévus par les textes, il peut, à tout moment de la procédure, même avant la décision fixant la valeur vénale des biens, retirer ceux-ci de la vente, sans être tenu, pour en informer la SAFER, de recourir au notaire chargé d’instrumenter.
En l’espèce, les arguments avancés par la SAFER étaient intéressants en ce qu’elle considérait que l’offre d’achat délivrée équivaut à une « décision de préemption » et non à une simple contre-offre. Ainsi, elle considérait que le vendeur ne pouvait, après avoir pris l’initiative d’une procédure judiciaire en fixation du prix, retirer son bien de la vente à tout moment au cours de cette instance.
Enfin, la SAFER relevait que l’impossibilité pour le vendeur de renoncer à la vente, avant que le tribunal ait fixé le prix, était justifiée au regard de la finalité de la procédure qui est, rappelons-le, de permettre à la SAFER d’accomplir une mission de service public, en l’occurrence, lutter contre la spéculation foncière.
Cependant, ces arguments n’ont pas convaincu la Cour de cassation qui retient la position de l’avocat général selon laquelle, en optant pour la révision judiciaire du prix, le vendeur a déjà manifesté son opposition à une régularisation de la vente de son bien aux conditions de la contre-proposition de la SAFER.