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Juin 2023

Pesticides : lutter contre la sur-transposition

Dénoncées depuis longtemps par la profession agricole, les sur-transpositions causent des distorsions de concurrence au sein du marché unique, pénalisent les exploitations françaises et in fine notre économie. L’affaire des néonicotinoïdes en est un fameux exemple.

Depuis 2018, l’Union européenne interdit l’usage en plein champ, pour toutes les cultures, de certains néonicotinoïdes (clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride, puis thiaclopride) en raison de leur impact sur les abeilles. Dans le cas de la betterave, et en l’absence d’alternative pleinement efficace, la France, comme d’autres pays de l’UE, accordait jusqu’à présent des dérogations permettant d’utiliser ces néonicotinoides par enrobage des semences. Mais coup de massue ! Le 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE) a jugé ces dérogations illégales. Si bien qu’à quelques semaines des semis de betteraves, le ministre de l’Agriculture annonçait que le Gouvernement ne proposerait pas de nouvelles dérogations pour 2023 et les années à venir. L’ire des betteraviers est d’autant plus forte que la France se trouve être le seul pays à interdire tous les néonicotinoides y compris l’acétamipride utilisé en aspersion, pourtant potentiellement utilisable par dérogation dans d’autres Etats membres de l’Union européenne. En effet, la loi « pour la reconquête de la biodiversité » votée en 2016 a interdit l’usage de tous les produits à base de néonicotinoïdes pour toutes cultures et tous les usages à compter du 1er septembre 2018, sans considération pour leur toxicité respective (tout en permettant des dérogations jusqu’en 2020 pour l’acétamipride).

Dans une résolution adoptée à l’Assemblée nationale, jeudi 11 mai 2023, Stéphane Travert (ex. ministre de l’Agriculture) et ses collègues considèrent ces interdictions de nature à accroître le volume des produits importés ce qui risque à terme de compromettre notre objectif de souveraineté alimentaire. En outre, il n’est pas certain que les consommateurs en sortent gagnant dans la mesure où des produits contenant les mêmes substances restent autorisés à l’importation, en provenance de pays européens et de pays tiers. Les cosignataires du texte réaffirment donc « l’impérieuse nécessité de lutter contre les sur-transpositions des directives européennes, pour éviter des distorsions de concurrence majeures au détriment de l’agriculture française et de notre économie »  et invitent « le Gouvernement à défendre au niveau européen la généralisation des « clauses miroirs » dans les traités internationaux et dans les réglementations européennes » , notamment le règlement européen sur les produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable (SUR), actuellement en pourparlers.

Quelles alternatives aux pesticides ?

Des travaux visant à anticiper le retrait des substances actives les plus préoccupantes et à élargir la palette de solutions alternatives à mettre à la disposition des agriculteurs, ont été lancés le 2 mai dernier par le Gouvernement. Ces travaux s’inscrivent dans le chantier de la planification écologique annoncé lors du SIA par la Première ministre, Elisabeth Borne. Ainsi, des groupes de travail ont été mis en place pour chacune des sept filières identifiées : « grandes cultures » (céréales, oléoprotéagineux, betterave à sucre, pommes de terre), « fruits et légumes », « plantes à parfum aromatiques et médicinales », « vigne », « horticulture », « semences », « cultures ultra-marines », ainsi qu’un groupe sur les « cultures biologiques ». « Il s’agit dans un premier temps de partager collectivement avec les filières le calendrier européen de retrait des substances actives, de cibler les usages les plus menacés, d’identifier l’éventail des alternatives disponibles et dont l’efficacité est reconnue, d’analyser leur degré de maturité, de les déployer et pour certaines d’entre elles d’intensifier les actions de recherche et d’innovation, notamment dans le cadre de France 2030 », explique-t-on au ministère de l’Agriculture.

Les auteurs de la résolution, eux,  ont formulé le souhait de « conditionner toute interdiction de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, qu’elle émane d’une autorité nationale ou européenne, à l’existence de solutions alternatives efficaces, n’entraînant ni perte de rendement, ni de surcoûts de production inacceptables pour le producteur et pouvant être déployées à grande échelle dans des délais compatibles avec ceux dans lesquels intervient l’interdiction ». Il est également demandé au  Gouvernement de renforcer les financements attribués à la recherche et aux producteurs de produits phytosanitaires de faire preuve de transparence sur leur budget de recherche. Par ailleurs, les auteurs veulent la mise en place d’un plan de soutien financier permettant la prise en charge intégrale des conséquences financières résultant, pour la filière betteraves, des pertes de rendement liées à la jaunisse de la betterave sucrière. Ce sur quoi le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau s’était déjà engagé en janvier suite à l’annonce de la CJCE. Les éléments techniques sont attendus.

Enfin, une proposition de loi a été déposée à l’assemblée nationale, mardi 23 avril 2023, par le Député Thimothée Houssin, visant à rétablir jusqu’en décembre 2027 l’usage du néonicotinoïde acétamipride en traitement foliaire pour les cultures de betteraves où l’afflux de pucerons et le risque de présence de jaunisse sont avérés. A suivre…

Image par Erich Westendarp de Pixabay

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