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Février 2022

Renforcement de la réglementation sur les ZNT

Après la décision du Conseil d’Etat en juillet dernier, le Gouvernement a été contraint de revoir sa copie sur les zones de non traitement (ZNT). Il a publié au Journal officiel un décret et un arrêté.

Entrées en vigueur au 1er janvier 2020, les zones de non traitement sont des distances de sécurité à respecter vis à vis des éléments environnants (zones d’habitation, écoles, hôpitaux, maisons de retraite…) par les agriculteurs et viticulteurs lors du traitement de leurs cultures.

Aux termes de l’arrêté du 27 décembre 2019, en l’absence de distance de sécurité spécifique fixée par l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du produit concerné, une distance de sécurité minimale de 20 mètres est requise pour les produits phytopharmaceutiques les plus dangereux, ou contenant une substance active considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens. Cette espace de sécurité est irréductible. Pour les autres produits, la distance minimale est de 10 mètres pour l'arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 cm de hauteur, les bananiers et le houblon. Elle est fixée à 5 mètres pour les autres utilisations agricoles et non agricoles. Mais grâce aux chartes d’engagements départementales cette réglementation peut être assouplie (5 mètres au lieu de 10 m et 3 mètres au lieu de 5 m) sous réserve de l’utilisation de matériel anti-dérive dont la liste est régulièrement actualisée et sauf à proximité des lieux hébergeant de personnes vulnérables (maisons de retraite, écoles, etc.). Des dispositions particulières sont prévues au voisinage de points d’eau. Les modalités d'élaboration, de concertation et de validation, ainsi que le contenu des chartes d’engagements locales ont fait l’objet d’un décret (D. n°2019-1500 du 27 décembre 2019).

Ces chartes avaient vocation à créer le dialogue entre riverains et agriculteurs afin de faire émerger un consensus sur les enjeux liés à l’utilisation des pesticides. Dans les faits, ces distances minimales et les conditions d’élaboration des chartes ont suscité des oppositions de part et d’autre ; tandis que certains les jugeaient insuffisamment protectrices, d’autres les considéraient excessives. Le Conseil d’Etat, par une décision du 26 juillet 2021, a fini par ordonner au Gouvernement de compléter sa réglementation sur l’utilisation des produits phytosanitaires et ce sous 6 mois.

Comme attendu, et conformément à la demande de la Haute juridiction administrative, le nouvel arrêté complète le champ des personnes protégées en prévoyant des ZNT pour les lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements. L’application des distances minimales de sécurité à ces lieux sera applicable à compter du 1er juillet 2022 aux parcelles déjà emblavées au titre d'un cycle cultural à la date de publication de l’arrêté.

Une information préalable laissée à l’appréciation des territoires

De son côté, le nouveau décret prévoit que chaque charte met en place un système d’information préalable des personnes présentes et des résidents ainsi que le demandait là aussi le Conseil d’Etat ; c’est-à-dire  en amont de l’utilisation des pesticides. Le texte confirme le principe des chartes d’engagements comme outil de concertation au niveau local et insère trois nouveaux articles dans le code rural et de la pêche maritime. Pour les usages agricoles, ce sont les organisations syndicales du département ou la chambre départementale d'agriculture qui proposeront au préfet, à sa demande ou de leur propre initiative, le projet de charte d'engagements. Il devra prévoir les modalités d'information des résidents ou des personnes présentes avant l'utilisation des produits et préciser les modalités de son élaboration. Les chartes pourront concerner tout ou partie de l'activité agricole du département. Il revient donc aux  acteurs signataires de la charte, dans chaque département,  la lourde tâche de définir ensemble les meilleurs moyens de procéder à l’information précédent l’épandage. Le ministère a souhaité que la solution émane des territoires afin qu’elle soit la plus adaptée, sans apporter plus de détail dans le texte. Dans un communiqué commun, en date du 21 décembre 2021, les ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture précisaient seulement que la charte « ne prévoit pas systématiquement une information  individuelle  des riverains et des personnes présentes » et l’on comprend pourquoi…

Une fois la charte élaborée, elle sera ensuite transmis au Préfet qui disposera de deux mois pour rendre sa décision, sauf cas d'impératif de santé publique. Il pourra demander aux organisations concernées de modifier leur projet dans un délai qui ne peut être supérieur. Une consultation publique sera mise œuvre, lorsque le représentant de l’Etat aura constaté que les mesures prévues par la charte sont adaptées et conformes à la réglementation. Toutes les chartes et les décisions préfectorales seront publiées au recueil des actes administratifs et sur le site internet de chaque préfecture concernée. Enfin, il est prévu que chaque utilisateur de produits phytopharmaceutiques dispose d'un exemplaire de la charte.

Les préfets et organisations représentatives disposent d’un délai maximum de six mois pour mettre à jour les chartes. Durant ce délai, les chartes actuellement approuvées continuent de s’appliquer.

Le sort des CMR2 : le Gouvernement s’en remet à l’Anses

Le Conseil d’Etat avait également annulé l’article 8 de l’arrêté du 27 décembre 2019.  Se basant sur un avis de l’Anses de juin 2019 dans lequel l’agence recommande une distance minimale de 10 mètres entre les habitations et les zones d’épandage de tout produit classé cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR2), sans distinguer si leurs effets sont avérés, présumés ou seulement suspectés, le Conseil d’Etat avait jugé que les distances minimales d’épandage des produits dont la toxicité n’est que suspectée, qui avaient été fixées à 5 mètres pour les cultures basses comme les légumes, étaient insuffisantes.

Pour les produits mis sur le marché avant 2016 (1), le Gouvernement a demandé à l’Anses d’accélérer la mise à jour des autorisations pour évaluer scientifiquement et intégrer les distances de sécurité dans les autorisations de mise sur le marché. L’Anses sera donc amenée à fixer explicitement une distance de non-traitement pour les produits concernés qui en feraient la demande. A compter du 1er octobre 2022, les produits n’ayant pas fait l’objet d’une demande recevable auprès dudit organisme auront vocation à se voir appliquer par voie réglementaire une distance de 10 mètres. Pour les agriculteurs qui ne disposeraient pas de solution alternative à des produits qu’ils ne pourraient plus utiliser, après fixation de la distance minimale, une clause de revoyure a été fixée au 1er octobre 2022, afin d’identifier les voies et moyens des indemnisations et compensations, a assuré le ministre de l’Agriculture, lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le 2 février 2022. Un calendrier de travail est attendu pour préparer cette clause de revoyure d’octobre 2022.

Le dossier des ZNT est épineux et des voix s’élèvent pour demander aux aménageurs privés et publics d’inclure d’ores et déjà des zones de transition dans l’emprise de leurs futurs projets d’urbanisme. Précisions que l’article 200 de la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique a modifié le code de l’urbanisme, donnant la possibilité à l’autorité locale compétente, dans les PLU, de « définir les conditions dans lesquelles les projets de construction et d'aménagement situés en limite d'un espace agricole intègrent un espace de transition végétalisé non artificialisé entre les espaces agricoles et les espaces urbanisés, ainsi que la localisation préférentielle de cet espace de transition ». La question est de savoir maintenant s’il faut faire de cette possibilité une obligation, y compris pour les constructions existantes. La réponse est à l’évidence plus compliquée puisqu’elle touche au droit de propriété.

(1) Lorsqu’un produit est mis sur le marché, il fait, depuis 2016, l’objet d’une évaluation qui définit pour ce produit la distance de sécurité qui doit s’appliquer pour garantir la sécurité de son usage.

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