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Revue | Décembre 2024

Indemnité d’expropriation de parcelles agricoles

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En bref : Une expropriation de parcelles de terrain agricole contre le paiement d’une indemnité au propriétaire est soumise à TVA lorsque ce propriétaire est un agriculteur assujetti à la TVA agissant en tant que tel et que les parcelles constituent un élément d’actif affecté à son exploitation, même s’il n’exerce aucune activité de commercialisation foncière et n’a entrepris aucune démarche visant à un tel transfert.

En l’espèce, il était question d’une exploitation agricole d’élevage de vaches laitières et de production de lait créée en 2001, en Pologne. L’exploitant s’est enregistré en tant qu’assujetti à la TVA en 2013.

En parallèle, il avait acquis des parcelles en 2003 et 2015 afin d’agrandir son exploitation, les acquisitions n’ayant pas été soumises à la TVA.

En 2017, une partie des parcelles a été transférée au profit du Trésor public polonais afin d’y réaliser des installations de voirie. L’exploitant a par la suite, soumis à l’administration fiscale un rescrit fiscal afin de savoir si ce dernier devait être considéré comme étant assujetti à la TVA du fait de la vente des parcelles au Trésor public et, si l'indemnité perçue à ce titre devait être soumise à la TVA.

L’administration fiscale a estimé que le transfert par voie d’expropriation de la propriété de parcelles de terrain au Trésor public devait être considéré comme une livraison de biens effectuée à titre onéreux par l’exploitation, agissant en tant qu’entité exerçant une activité économique.

Cette réponse a été contestée devant le juge administratif polonais qui a alors statué en faveur de l’exploitant : ce dernier n’avait entrepris aucune démarche pour vendre les parcelles et l’expropriation était indépendante de sa volonté et sans rapport avec son activité agricole. Par conséquent, il ne pouvait être considéré comme ayant agi en tant qu’assujetti à la TVA, et l’indemnité perçue au titre de l’expropriation n’était pas soumise à TVA.

L’administration fiscale a alors formé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême administrative polonaise (équivalent du Conseil d’Etat), qui a alors soumis à la CJUE la question préjudicielle suivante : «  une opération de transfert, par voie d’expropriation, de la propriété de parcelles de terrain agricole, contre le paiement d’une indemnité au propriétaire de ce terrain doit être soumise à la TVA lorsque ce propriétaire est un agriculteur, assujetti à la TVA, même s’il n’exerce aucune activité de commercialisation foncière et n’a entrepris aucune démarche visant à un tel transfert ».

A ce titre, la CJUE rappelle qu’il convient d’établir si l’on est bien en présence d’une livraison de bien à titre onéreux. Pour qu’une expropriation soit considérée comme telle, trois conditions cumulatives doivent être remplies :

  • présence d’un transfert de propriété ;
  • transfert effectué en vertu d’une réquisition faite par l’autorité publique ou en son nom ou aux termes de la loi ;
  • et le paiement d’une indemnité en contrepartie (CJUE, 13 juin 2018, C-665/16).

Outre les deux premières conditions, la CJUE considère que la simple perception d’une indemnité suffit pour caractériser le titre onéreux de la livraison.

En l’espèce, la qualification de livraison de biens à titre onéreux ne soulevait pas de difficultés d’interprétation. Restait à déterminer pour la CJUE si l’exploitant agricole devait être considéré comme ayant agi en tant qu’assujetti à la TVA dans le cadre de cette expropriation.

La CJUE rappelle alors sa position en la matière : un assujetti n’agit, en principe, en cette qualité que s’il le fait dans le cadre de son activité économique, ce dernier critère étant rempli lorsqu’un assujetti transfère la propriété de biens immeubles affectés à cette activité économique au sens large (CJUE, 13 juin 2018, Polfarmex, C-421/17).

A ce titre, elle relève que les parcelles agricoles étaient un élément d’actif professionnel de l’exploitant à la date de leur transfert au Trésor public. Par conséquent, l’exploitant doit être considéré comme ayant agi en tant qu’assujetti à la TVA au titre de son activité agricole, lors de l’expropriation desdites parcelles, et ce, même s’il n’exerce aucune activité de commercialisation foncière et qu’il n’a entrepris aucune démarche à cette fin.

Il en irait autrement s’il s’avérait que l’exploitant avait supporté cette opération dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé, non-affectée à son exploitation agricole.

Enfin, la CJUE précise qu’imposer une condition visant à exiger une démarche active de commercialisation serait contraire à la directive TVA qui prévoit une imposition à la TVA des opérations d’expropriation réalisée par un assujetti.

Ainsi, la CJUE fait abstraction du fait que l’expropriation était sans rapport avec l’activité agricole de l’exploitant. Elle estime qu’une opération de transfert, par voie d’expropriation, de la propriété de parcelles de terrain agricole contre le paiement d’une indemnité au propriétaire de ce terrain doit être soumise à la TVA lorsque ce propriétaire est un agriculteur assujetti à la TVA.