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Revue | Janvier 2023

Renouvellement du bail commercial et retour gratuit des constructions

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En bref : Le renouvellement du bail commercial, même de manière anticipée, entraine-t-il l’accession des constructions édifiées par le preneur et une taxation chez le bailleur ?

A quelle date, le bailleur doit être considéré comme devenant gratuitement propriétaire des constructions réalisées par le preneur ? Deux analyses s’affrontent : l’une fondée sur l’article 1738 du Code civil selon laquelle la tacite reconduction met fin au bail et crée un nouveau bail ; la seconde qui conduit à repousser les effets de l’accession au jour où le bailleur recouvre la libre disposition de l’immeuble, c’est-à-dire au moment où (après renouvellements et reconductions éventuels) le preneur vient à quitter les lieux.

La CAA de Bordeaux a tranché.

 

Rappel des faits :

La SCI D dont Monsieur D est gérant associé, a donné à bail commercial pour une durée initiale de 9 ans, par acte du 1er juin 2007, à la société A un ensemble immobilier. Le contrat prévoyait que le bailleur, en fin de bail, conserverait sans indemnité « tous travaux, embellissements et améliorations » réalisés par la partie preneuse.

Par acte du 3 janvier 2012, les parties ont convenu du renouvellement anticipé de ce bail pour une nouvelle durée de 9 ans, en modifiant tant la consistance des biens loués, pour tenir compte des travaux effectués par la société A, que le montant du loyer annuel.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a rehaussé les revenus fonciers de la SCI D au titre de l’année 2012, à hauteur de la plus-value acquise par l’ensemble immobilier résultant des travaux de construction et d'aménagement réalisés par sa locataire entre le 1er juin 2007 et le 3 janvier 2012, qu’elle a considérée comme constituant un supplément de loyer imposable.

Les époux D ont fait appel du jugement du 16 juin 2020 par lequel le TA de Poitiers a rejeté leur demande de dégrèvement des diverses pénalités et cotisations dues à la suite de la rectification de leurs revenus fonciers.

La question était donc de savoir si le renouvellement anticipé du bail commercial constituait une résiliation du bail existant et constituait le fait générateur pour l’imposition du complément de loyer au titre de la remise gratuite de constructions au 3 janvier 2012.

 

La décision :

Pour l’administration comme pour la Cour, la réponse est positive : « le renouvellement express du bail commercial, même de manière anticipée, a pour effet de mettre fin au contrat de bail initial et ainsi, en principe, permettre l’accession du bailleur aux constructions édifiées par le preneur, conformément à la clause expresse de remise gratuite, il en va différemment en cas de manifestation de volonté expresse contraire des parties résultant, notamment, des stipulations contractuelles ».

Toutefois, comme le relèvent les juges, il résulte, au cas présent de l’acte du 3 janvier 2012, que les parties ont expressément convenu, comme condition substantielle au renouvellement du bail commercial, que le bailleur renonçait envers le preneur à l'accession aux aménagements et travaux réalisés par le preneur dans le cadre du bail d’origine.

Ainsi, aucun transfert de propriété au profit de la SCI ne s’est produit en 2012 même si le locataire a constaté, dans le bilan de clôture du 30 avril 2012, la sortie des immobilisations correspondant aux travaux réalisés depuis le 1er juin 2007.

Ainsi, l’administration ne pouvait pas estimer que la plus-value de l’ensemble immobilier correspondant à la réalisation de ces travaux constituait, pour le bailleur, un complément de loyer imposable au titre de l'année du renouvellement.

Pour résumer, le régime fiscal des constructions revenant gratuitement par accession au bailleur, apparaît donc fixé comme suit :

  • par principe, le renouvellement ou la tacite reconduction du bail mettent fin au contrat de louage et suscitent l’imposition de la valeur vénale des constructions, au titre des revenus fonciers du bailleur ;
  • par exception, cette accession fiscale peut être conventionnellement repoussée au jour où le bailleur recouvre la disposition des locaux, c’est-à-dire au jour de leur libération par le locataire constructeur.

Mais attention, il convient de circonscrire cette solution à la seule accession gratuite, laissant ainsi de côté l’accession contre indemnité qui demeure, quant à elle, étrangère aux revenus fonciers du bailleur (BOI-RFPI-BASE-10-30, n° 20, 12/09/2012).