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Revue | Mars 2022

Répartition des droits entre l’usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales

En bref : Le Ministre de l’économie tranche la question de l’application des dispositions de l’article 1844 concernant la répartition des droits de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire dans les SA.

En 2019, plusieurs articles du Code civil relatifs au droit des sociétés ont été modifiés par la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés. Le législateur est notamment venu ajouter une précision quant à la répartition des droits attachées aux parts en cas de démembrement de propriété.

 

Jusqu’alors, l’article 1844 du Code civil prévoyait seulement que si une part sociale était grevée d’un usufruit, le droit de vote appartenait au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Rien ne semblait permettre une dérogation à ce principe.

 

L’article 3 de la loi du 19 juillet 2019 a codifié une jurisprudence ancienne et constante selon laquelle les statuts ne peuvent jamais déroger au droit du nu-propriétaire de participer aux décisions collectives.

 

Désormais, le troisième alinéa de l’article 1844 du Code civil dispose que « si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ».

 

Le député Romain GRAU a interrogé le Ministre de l’économie concernant la convention de vote entre usufruitier et nu-propriétaire.

 

Il met en avant le fait que, si le Code civil a été modifié afin de permettre la conclusion d’un contrat entre l’usufruitier et le nu-propriétaire visant à accroître le droit de vote du premier, la loi du 19 juillet 2019 n’a pas modifié l’article L 225-110 al. 1er du Code de commerce qui s’applique aux sociétés anonymes.

 

Or, cet article prévoit que « Le droit de vote attaché à l’action appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires ». Il est toutefois permis aux statuts de déroger à cette disposition.

 

Par conséquent :

  • D’un côté, le Code civil prévoit que seules les décisions concernant l’affectation du bénéfice sont du ressort de l’usufruitier ;

 

  • D’un autre côté, le Code de commerce prévoit que le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les AGO, disposition donc beaucoup plus large puisqu’elle permet à l’usufruiter de prendre part aux votes sur la nomination ou la révocation d’un dirigeant.

Le Ministre de l’économie rappelle tout d’abord que s’agissant de la participation aux décisions collectives, il est précisé que, si une part est grevée d'un usufruit, l’usufruitier et le nu propriétaire ont le droit de participer aux décisions collectives.

 

Concernant le droit de vote, il est précisé qu’il appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l'usufruitier. Le législateur a introduit la possibilité de transférer contractuellement à l’usufruitier l’exercice du droit de vote concernant « les autres décisions » que celles concernant l’affectation des bénéfices.

 

L’article 1844 du Code civil a une application générale. Toutefois, en premier lieu, l’article L. 225-110 du code de commerce prévoit une règle dérogatoire de répartition du droit de vote, en le confiant à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires.

 

Il serait donc impossible de transférer contractuellement à l’usufruitier l’exercice du droit de vote concernant « les autres décisions », puisque la répartition de ces décisions n’est pas la même que celle prévue dans l'article 1844.

 

En second lieu, le quatrième alinéa de l’article L. 225-110 prévoit la possibilité d’une dérogation statutaire à la règle de répartition posée au premier alinéa.

 

Cet article aménage ainsi un dispositif d’ensemble composé d’un principe de répartition dérogatoire des droits d’une action démembrée et la possibilité d’opérer des dérogations statutaires.

 

Par conséquent, l’article L. 225-110 du code de commerce forme un dispositif spécial faisant échec à l'application, aux sociétés qui y sont soumises, des dispositions nouvelles introduites par l’article 3 de la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, concernant la possibilité de transférer contractuellement à l’usufruitier l'exercice du droit de vote concernant « les autres décisions » que celles concernant l’affectation des bénéfices.